DÉCLARATION LIMINAIRE

COMITÉ SOCIAL D’ADMINISTRATION DES SERVICES JUDICIAIRES

du 16 mai 2024


Monsieur le Directeur,

Nous souhaitons débuter ce CSA en évoquant le drame qui vient de frapper les collègues de la pénitentiaire.
L’UNSa Services Judiciaires adresse ses plus sincères condoléances, aux familles des collègues touchés par cette
attaque intolérable ainsi qu’à l’ensemble des personnels de la DAP. Ils ont tout notre soutien ! Soutien que nous
tenons également à adresser aux collègues de Mayotte en pleine épidémie de choléra, et à ceux de Nouméa qui
subissent émeutes et couvre-feu.
Pour revenir à l’ordre du jour, nous souhaiterions en premier lieu vous faire part de nos questions et observations sur le projet de décret relatif aux attachés de justice et aux assistants spécialisés.
Il est indiqué dans le projet qui nous est soumis pour avis que peuvent être nommés des fonctionnaires de catégorie A ou des agents contractuels, mais aucune répartition n’est envisagée entre les deux.
Pourriez-vous nous indiquer s’il y aura une voie préférentielle pour les fonctionnaires de catégorie A déjà affectés au
Ministère de la Justice, et si tous les attachés de justice et assistants spécialisés percevront la même rémunération,
qu’ils soient contractuels ou fonctionnaires ?
Une disposition nous inquiète : le troisième alinéa de l’article R 123-31 indique que « les fonctions d’attaché de
justice ne peuvent être exercées concomitamment à une activité professionnelle qu’avec l’accord……des chefs de la
cour d’appel dans le ressort duquel ils sont affectés ». A contrario, nous en déduisons que le cumul de l’activité
d’attaché de justice est compatible avec une autre activité professionnelle. Cet article continue en mentionnant que
« les professions mentionnées au premier alinéa (donc notamment les avocats, commissaires de justice et notaires) ne peuvent être exercées dans le ressort de la cour d’appel de leur affectation ». Donc, nous en déduisons également qu’il sera possible d’être attaché de justice dans une cour et avocat, ou notaire, ou commissaire de justice dans la cour voisine.
Situation qui nous paraît d’autant plus problématique que l’article 2 du projet de décret prévoit la possibilité que le
juge donne délégation de signature à l’attaché de justice. Cette délégation sera possible dans les cas visés aux articles
127-1 et 129 du Code de procédure civile, relatifs aux procédures de conciliation et médiation, où ces mêmes
professions peuvent intervenir.
Il s’agit ici de déléguer des missions relevant pleinement de l’office du juge, au profit d’un fonctionnaire, ce qui ne
nous pose pas de difficulté, ou d’un agent contractuel, ce qui nous parait beaucoup plus problématique car les
garanties ne sont pas – loin de là – les mêmes. Cette mission dévolue actuellement au juge aurait pu être transférée au
greffier, tout particulièrement à l’occasion de la mise en place des cadres-greffiers. Mais le choix politique du
gouvernement est tout autre !
Nous relevons par ailleurs que le cumul d’activité est interdit aux assistants spécialisés, excepté l’enseignement, alors
qu’il est possible pour les attachés de justice. Pourquoi les uns et pas les autres ?
Il est précisé que les juristes assistants devenus attachés de justice pourront sous certaines conditions être dispensées de formation obligatoire à l’ENM. S’il est vrai que certains assistants de justice ont plus de 7 ans d’activité, les formations ont été très disparates en région. Nous estimons que leurs nouvelles attributions imposent qu’ils bénéficient tous d’une formation à l’ENM, d’autant plus qu’ils pourront assister aux délibérés.
L’UNSa Services Judiciaires constate également que ce texte confirme la volonté de donner des pouvoirs accrus aux
chefs de cour en matière de gestion des ressources humaines.
Que ce soit pour les attachés de justice ou les assistants spécialisés, les chefs de cour recevront les candidatures,
instruiront les demandes, décideront du recrutement et rédigeront le contrat, exactement comme le ferait un dirigeant d’entreprise. À l’échéance, les chefs de cour décideront de renouveler ou non le contrat et ils pourront également l’interrompre, que ce soit pour motif disciplinaire, ou pour un autre motif, non précisé. Est-ce à dire qu’ils pourront également effectuer un licenciement économique, par exemple dans le cas d’un coup de rabot budgétaire imprévu ?

Enfin, les directeurs de greffe sont totalement occultés de la gestion des emplois d’attachés de justice et d’assistants
spécialisés. Les chefs de cour placeront les attachés de justice ou les assistants spécialisés auprès d’un chef de
juridiction, qui décidera de leurs affectations. Ces attachés de justice et assistants spécialisés seront placés sous
l’autorité de ce même chef de juridiction. Il est même précisé pour les assistants spécialisés que, dans l’exercice de
leurs fonctions, ils ne pourront recevoir ni solliciter d’autres instructions que celles du magistrat sous la direction
duquel ils sont placés.
Devons-nous en penser que nous assistons à la création d’une filière de gestion RH parallèle à celle des fonctionnaires ?
Plus globalement, nous craignons que cette situation amplifie la confusion dans la répartition des responsabilités au
sein des juridictions, et à l’érosion du périmètre fonctionnel des directeurs des services de greffe, déjà mis à mal avec
l’arrivée des magistrats chefs de pôle.
Concernant l’organisation des Jeux Olympiques, une très large concertation a eu lieu au Tribunal Judiciaire de
Nanterre, et nous en remercions la directrice. Mais il n’en est absolument pas de même sur les autres sites d’Ile-deFrance où la majeure partie des compétitions auront pourtant lieu !
Encore une fois, quel bel exemple de concertation et dialogue !!!
Pour la gestion du pont de l’Ascension et des congés scolaires du vendredi 10 mai, nous ne pouvons que déplorer à
nouveau le système : « 2 poids 2 mesures ». Il avait été annoncé aux parents d’élèves que le 10 mai 2024 les écoles
seraient fermées. Dans certains ressorts de cours d’appel, il a été accordé des autorisations d’absence pour garde
d’enfants. Dans d’autres cours, il a été demandé aux parents de déposer une journée de congés. Pourtant, les
établissements scolaires sont systématiquement fermés le vendredi qui suit le jour de l’ascension. Les parents en sont donc informés bien en amont. Par contre, dans certaines communes, les services périscolaires sont assurés et pas dans d’autres (garde d’enfants, restaurations…).
L’UNSa Services Judiciaires ne se positionnera pas sur le type d’octroi de cette journée, mais revendique uniquement
qu’il y ait égalité de traitement entre les agents. Il nous semble opportun qu’au niveau national une note soit établie en ce sens, puisque cette situation se renouvelle chaque année.
Nous terminerons avec les premières informations qui nous sont parvenues, relatives au projet de loi pour l’efficacité
de la fonction publique. Nous constatons que la méthode employée est exactement la même que pour la première loi
du 6 août 2019 sur la transformation de la fonction publique, qui avait acté la disparition des CAP et des CHSCT
départementaux. C’est-à-dire qu’il n’y aura aucune réelle négociation, juste une pseudo-concertation visant à
instrumentaliser les organisations syndicales pour donner l’illusion du dialogue social.
Sachez que nous serons particulièrement vigilants sur les points cruciaux de ce projet de loi qui, sous couvert de
transformation managériale, veut réformer en profondeur les règles d’accès à la fonction publique, les mobilités et les rémunérations. Nous ne sommes pas dupes des enjeux liés aux recrutements locaux, ou à la disparition des filières A, B ou C.
Sur tous ces sujets, l’UNSa Services Judiciaires sera toujours fidèle à sa ligne de conduite : nos priorités sont
l’augmentation des rémunérations, sujet de préoccupation essentiel pour nos collègues, et l’amélioration des
conditions de travail, qui continuent de se détériorer comme le démontre malheureusement l’actualité récente, avec la tentative de suicide d’un greffier la semaine dernière dans son bureau du CPH de Valenciennes.


Les représentants UNSa Services Judiciaires au CSA SJ


PDF de la déclaration liminaire unsa sj au CSA SJ du 16 mai 2024